La bonne gouvernance au Sénégal et en Afrique : une exigence pour un développement socioéconomique et politique inclusif

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La bonne gouvernance au Sénégal et en Afrique : une exigence pour un développement socioéconomique et politique inclusif

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La bonne gouvernance constitue un défi majeur pour le Sénégal et les pays africains en général, face à des problèmes persistants tels que la pauvreté endémique et les tensions sociopolitiques. Aujourd’hui, il est impératif d’adopter des politiques de gouvernance efficaces pour répondre aux aspirations croissantes des populations, en particulier des jeunes. Ces aspirations incluent le respect des droits de l’homme, le respect des principes démocratiques, ainsi que la transparence et l’efficacité dans la gestion des ressources publiques.

La bonne gouvernance peut être définie comme un ensemble de pratiques, de processus et de valeurs qui garantissent la transparence, la responsabilité, la participation citoyenne et l’équité dans la prise de décisions et la gestion des affaires publiques. Elle englobe également le respect des droits de l’homme, la primauté du droit et l’efficacité administrative. En mettant l’accent sur la responsabilité et la participation, la bonne gouvernance vise à promouvoir le développement durable, la stabilité sociale et l’amélioration de la qualité de vie pour tous les citoyens.

Le Sénégal, comme de nombreux autres pays africains, est confronté à un grave problème de sous-développement structurel, plongeant une grande partie de sa population dans une pauvreté profonde, avec des besoins essentiels non satisfaits tels que l’accès à l’eau potable, à l’alimentation et aux soins de santé. L’Afrique subsaharienne affiche un Indice de Développement Humain (IDH) moyen de 0,5 en 2021, bien en deçà de la moyenne mondiale de 0,7, ce qui en fait la région la plus démunie du globe.

Cette réalité est d’autant plus frappante lorsque l’Afrique est considérée comme un continent d’avenir, en raison des importantes ressources naturelles dont elle dispose. Depuis leur accession à l’indépendance, ces nations ont également bénéficié de financements considérables, notamment grâce à la coopération au développement.

Clientélisme politique et inefficacité des politiques publiques

Les différentes politiques publiques mises en œuvre au Sénégal n’ont pas permis de réaliser des infrastructures adéquates et de satisfaire les besoins fondamentaux des populations.
Parmi les principales raisons le plus souvent évoquées, il y a la mauvaise gestion
des ressources publiques
, les pratiques de patrimonialisme, de clientélisme politique,
de corruption. Les récents scandales dans la gestion des fonds COVID en sont un exemple révélateur.

Cette situation s’explique aussi par plusieurs facteurs dont :

Le manque de représentativité et de légitimité

Les élus locaux manquent de légitimité et de crédibilité auprès des populations à la base en raison principalement de leur incapacité à satisfaire les besoins fondamentaux. Ils ne parviennent pas à les mobiliser dans la conception et la mise en œuvre de politiques de développement socioéconomique viable.

C’est ce qui explique, entre autres, l’échec des politiques publiques, en plus de la mauvaise gestion des ressources qui y sont affectées.

Pour se maintenir au pouvoir, les autorités politiques au pouvoir ont recours régulièrement à des pratiques de clientélisme politique, de fraudes électorales, des violations des droits de l’homme et des libertés démocratiques et autres formes de répressions. 

Le manque de transparence dans la gestion des ressources

La gestion des ressources publiques est caractérisée généralement par le manque de transparence avec des malversations financières et des pratiques de patrimonialisme, de clientélisme politique, de corruption et de blanchiment.

Les budgets des organismes publics sont le plus souvent utilisés à des fins politiques ; il est souvent constaté des pratiques de népotisme avec des recrutements parfois pléthoriques de militants politiques n’ayant pas les qualifications requises, avec des conséquences négatives sur les réalisations des missions et les performances de ces entités.

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Les budgets sont aussi détournés par des marchés fictifs, de fausses justifications ou autres pratiques de corruption. Les dirigeants de ces organismes publics font une gestion patrimonialiste de leur budget et entretiennent une clientèle politique.

Ces malversations financières peuvent être relevées dans des rapports de corps de contrôle qui demandent souvent des poursuites à l’encontre des dirigeants impliqués ; Cependant, celles-ci, dans la majorité des cas, sont sans suite du fait de l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques.

Plus généralement, il y a une inefficacité totale du cadre institutionnel mis en place pour la transparence dans la gestion des ressources publiques. C’est ainsi que des organismes ont été créés dans les domaines de la lutte contre la corruption, du blanchiment, de la gestion des ressources énergétiques, de la régulation des marchés.

La plupart de ces organismes se caractérisent par leur inefficacité et leur manque de crédibilité, du fait de nominations politiques au niveau de leurs instances de décision, souvent de manque de moyens et surtout de leur instrumentalisation à des fins politiques. La plupart de leurs rapports sont classés sans suite et les mesures de poursuites qu’ils préconisent ne sont pas, le plus souvent, suivies d’effets.

L’inefficacité des politiques publiques

Dans la plupart des pays africains, le constat majeur est que, malgré les financements considérables qui sont mobilisés, les autorités dirigeantes ne sont pas en mesure d’assurer correctement les services sociaux de base dans des secteurs stratégiques comme l’accès à l’eau potable, la santé, l’éducation, la sécurité, l’assainissement, la gestion de l’espace public.

L’inefficacité des politiques publiques ne favorise pas une croissance économique soutenue et inclusive du fait du manque d’infrastructures de qualité et viables, notamment dans des domaines tels que les télécommunications, les routes et voies ferroviaires, l’énergie.

La cherté des prix de l’électricité, du carburant ainsi que d’autres intrants, limite considérablement la compétitivité des économies Africaines. Les lenteurs dans les procédures de l’appareil administratif bureaucratique, avec des pratiques de corruption régulièrement notées, et le faible niveau de la qualité des ressources humaines sont, entre autres, des éléments importants qui ne favorisent pas non plus l’attraction des investissements directs étrangers.

Les secteurs ci après sont particulièrement touchés par la crise et se trouvent le plus souvent dans un état déplorable.

La santé

Dans le secteur de la santé par exemple, il est régulièrement déploré des décès de patients du fait de problèmes de prise en charge, de disponibilité d’équipements médicaux adéquats ou de médicaments pour assurer leur traitement ; le décès de femmes en situation d’accouchement est aussi fréquent. C’est le cas récemment d’une femme enceinte dans un hôpital pour manque d’assistance. Il y a eu également la mort de onze bébés dans un hôpital à la suite d’incendies causés par des défaillances au niveau des installations électriques.

L’éducation

Le secteur de l’éducation est particulièrement touché par la crise socio-économique avec des infrastructures vétustes, des effectifs pléthoriques, un faible niveau de la qualité de la formation et des enseignements, de telle sorte que le niveau des élèves et des étudiants ne cesse de décroître avec les conséquences négatives sur la qualité des ressources humaines et un chômage massif des jeunes.

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La mobilité urbaine

Un autre secteur important qui est en crise du fait de la mauvaise gouvernance, c’est celui de la mobilité urbaine, avec les effets négatifs sur l’économie et les désagréments pour les populations. Ce secteur connaît une profonde crise depuis plus d’une décennie; le constat au quotidien est caractérisé par des embouteillages qui peuvent durer des heures dans les grands axes de la ville de Dakar, avec des actes d’indiscipline, des problèmes de parking, et surtout la récurrence des accidents avec une augmentation considérable du nombre de décès.

La gestion de l’espace public

Les problèmes d’occupation de l’espace public et d’assainissement sont des éléments importants de la dégradation du cadre de vie. Ce phénomène qui s’explique aussi par le développement rapide du secteur de l’informel, est très visible dans la ville de Dakar, aussi bien aux abords des routes, des édifices publics, et même devant les habitations. Il pose de sérieux problèmes de promiscuité et expose les populations à des risques graves d’accidents, de santé et d’hygiène. Les effondrements d’immeubles sont aussi fréquents.

L’insécurité

L’insécurité constitue le lot quotidien des populations du fait des agressions régulières dont elles peuvent faire l’objet dans la plupart des quartiers de la ville de Dakar et pratiquement à n’importe quel moment de la journée. Dans certaines zones de la grande banlieue, il est particulièrement dangereux de circuler à partir de certaines heures, au risque de se faire agresser. Les populations sont ainsi laissées à elles-mêmes, en raison du manque de moyens et de l’inefficacité des services de l’Etat chargés de la sécurité ; elles comptent beaucoup plus sur le concours de leur voisinage plutôt que des services compétents de l’Etat qui ne se manifestent que pour les cas particulièrement graves. Dans certains quartiers populaires, des initiatives d’autodéfense se sont développées avec tous les risques potentiels de dérapage.

La justice

Dans le secteur de la justice, les problèmes de corruption sont souvent dénoncés, ce qui pose un problème de crédibilité et d’indépendance ; il y a aussi des problèmes d’efficacité dus aux lenteurs dans les procédures et au manque de moyens. Au niveau politique, la justice est régulièrement accusée d’être instrumentalisée par le régime en place. C’est le cas notamment quand il s’agit de protéger des alliés politiques ayant commis des malversations financières ou autres formes de délits, ou d’interventions en vue de faire condamner des opposants politiques, dans des procès très contestés et dénoncés au niveau d’instances internationales habilitées. Au Sénégal, les cas de Khalifa SALL, Karim WADE et tout récemment Ousmane SONKO sont régulièrement cités pour parler du manque d’indépendance de la justice.

Un fléau global

Les mêmes problèmes se posent dans les principaux secteurs socioéconomiques et politiques au Sénégal et dans de nombreux pays africains. Il s’agit pour l’essentiel des problèmes de bonne gouvernance au niveau de l’Etat (dans ses différents composants exécutifs, législatif judiciaire), des Collectivités Locales.

Cette situation fait que la majeure partie des populations africaines est dans un état très avancé de pauvreté. Il s’y ajoute un niveau élevé de chômage endémique particulièrement au niveau des jeunes et des femmes et des fléaux sociaux comme la délinquance et l’usage de la drogue, le fondamentalisme religieux, l’émigration clandestine en Occident.

Les jeunes, dont la croissance démographique est très élevée, sont le plus touchés par la crise; bon nombre d’entre eux s’engagent dans des filières de migration en Occident avec les conséquences dramatiques constatées régulièrement en mer.

Face aux aspirations de plus en plus fortes des populations pour le respect des libertés démocratiques et une gestion plus transparente des ressources publiques et avec des tensions socio politiques récurrentes, Il n’est plus possible de différer des politiques viables de bonne gouvernance

© Photo by AMISOM

La bonne gouvernance, une exigence incontournable

Avec des tensions socio politiques de plus en plus fortes qui constituent des menaces pour la stabilité des pays et des pressions de plus en fréquentes de partenaires bilatéraux et multilatéraux, la plupart des pays africains n’ont pas eu le choix que de s’ajuster pour une plus grande prise en compte des préoccupations des populations.

C’est dans ce cadre que sont organisées des concertations nationales pour apaiser les tensions et pour prendre des engagements pour plus de démocratie et de gestion transparente et inclusive des ressources publiques.

Il reste cependant beaucoup à faire

Il n’est plus possible de différer les attentes des populations et des jeunes, en particulier, pour une bonne gouvernance politique et économique.

Il est important de favoriser une culture de la réédition des comptes, de la redevabilité, de sanctions positives ou négatives dans la gestion des organismes publics stratégiques. Les conséquences doivent ainsi être tirées de l’absence de résultats pour ne pas dire de l’échec dans la mise en œuvre de politiques publiques dans certains secteurs stratégiques. Il n’est plus tolérable que des financements considérables aussi bien internes qu’externes soient régulièrement mobilisés dans des secteurs stratégiques comme la santé et l’éducation et qu’il n’y ait pas un minimum de résultats.

© Photo de dagnogoinza

Autant les élus politiques doivent répondre de leurs réalisations devant leurs électeurs, autant les gestionnaires des organismes publics doivent pouvoir justifier de l’accomplissement de leurs missions et faire la réédition de leurs comptes.

Cette culture de bonne gouvernance et de redevabilité doit être présente dans tous les secteurs importants de la vie socioéconomique et politique, dans le cadre d’une approche inclusive, notamment :

  • dans le processus d’élaboration d’un cadre institutionnel (constitutionnel, législatif, réglementaire) ;
  • dans le processus de désignation et de choix de dirigeants politiques légitimes et représentatifs ;
  • dans la conception et la mise en œuvre de politiques publiques efficaces permettant de satisfaire au mieux les besoins fondamentaux des populations.

L’Afrique est appelée à jouer un rôle important dans la résolution des grands défis socio-économiques et politiques actuels ; une délégation de chefs d’Etat africains doit rencontrer très prochainement le Président Poutine dans le cadre d’une médiation sur la guerre en Ukraine.

Des réformes et changements urgents doivent être faits dans les domaines
essentiels comme le respect des droits de l’homme et des libertés démocratiques, la transparence et l’efficacité dans la gestion des ressources publiques.

Les défis sont nombreux sur les questions de bonne gouvernance, de redevabilité et de performance dans la mise en œuvre des politiques publiques au Sénégal et en Afrique, et portent, entre autres, sur les points suivants :

●      Les potentialités de l’Afrique en termes de ressources naturelles, de ressources
humaines et du rôle très important qu’elle peut jouer dans le monde ;
●      Les fortes attentes des populations et des jeunes en matière de démocratie, des
droits de l’homme et de transparence dans la gestion des ressources publiques ;
●      Les stratégies de confiscation du pouvoir par des manipulations de la
Constitution, le patrimonialisme, le manque de transparence dans le processus
électoral, les répressions et violations des droits de l’homme et des libertés
démocratiques ;
●      L’inefficacité des politiques publiques dans la satisfaction des besoins
fondamentaux des populations dans des secteurs stratégiques comme l’accès à
l’eau potable, la santé, l’éducation, l’assainissement, l’informel et l’occupation de
l’espace public ;
●      Le manque de transparence dans la gestion des ressources publiques et
l’inefficacité des organes de contrôle de l’exécution du budget de l’Etat, de lutte
contre la corruption et le blanchiment ;
●      Le manque d’indépendance d’un système judiciaire inefficace et instrumentalisé
à des fins politiques.

*Julien B BA
Analyste Politique
Marseille
Julienbba693hotmail.com

La bonne gouvernance constitue un défi majeur pour le Sénégal et les pays africains en général, face à des problèmes persistants tels que la pauvreté endémique et les tensions socio-politiques. Aujourd’hui, il est impératif d’adopter des politiques de gouvernance efficaces pour répondre aux aspirations croissantes des populations, en particulier des jeunes. Ces aspirations incluent le respect des droits de l’homme, le respect des principes démocratiques, ainsi que la transparence et l’efficacité dans la gestion des ressources publiques.

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