Renonciation à un troisième mandat par Macky Sall, le scénario « Macron » est-il possible ?

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Renonciation à un troisième mandat par Macky Sall, le scénario « Macron » est-il possible ?

Après la renonciation par Macky Sall à se présenter à un troisième mandat, et avec les manœuvres du régime pour écarter certains opposants et les jeux d’alliances le plus souvent pas très démocratiques, un candidat impopulaire pourrait émerger et créer la surprise lors des prochaines élections présidentielles.

CREDIT ISTOCK Palais de la République du Sénégal

La renonciation du Président Macky Sall pour un troisième mandat a entraîné une sorte de brouillard dans la situation politique du pays, d’autant plus que le parti au pouvoir n’a pas encore officiellement désigné son candidat à presque sept mois des prochaines élections présidentielles. Toutes les cartes sont sur la table.

De potentiels successeurs impopulaires

Au niveau du parti au pouvoir, les limites de l’expression démocratique ne favorisent pas le choix d’un candidat populaire ayant de réelles chances de remporter les élections. Il n’y a pas de traditions de primaires qui, malgré les insuffisances qui peuvent être notées, constituent le meilleur système démocratique pour départager des candidats. La gestion verticale du parti comme du régime fait que le choix vient directement du Chef.

Cela a été le cas récemment avec la désignation du Président de l’assemblée
Nationale
qui était quasi totalement inconnu et qui n’avait pas auparavant occupé un poste de responsabilités. Les principaux critères qui pouvaient justifier de son choix sont sa proximité et son dévouement à la famille du Président. Ce choix n’a pas d’ailleurs manqué d’entraîner l’exclusion d’une forte personnalité du parti qui avait manifesté son opposition.

Pour le candidat du parti au pouvoir pour les prochaines élections présidentielles, le scénario risque d’être le même ; Macky Sall va proposer un candidat et le parti va l’entériner. Il ne faudra pas cependant exclure qu’il y ait des dissidences de fortes personnalités qui préféreront quitter le parti pour pouvoir se présenter comme candidat.

Parmi les choix possibles de Macky Sall, les noms qui sont le plus souvent cités sont ceux d’Amadou Ba l’actuel Premier Ministre et de Abdoulaye D. Diallo le Président du Conseil Economique Social et Environnemental (CESE). Il s’agit d’anciens hauts fonctionnaires qui n ’avaient pas eu dans le passé d’expérience politique significative et qui doivent leurs promotions à Macky Sall, compte tenu essentiellement de leur dévouement sans faille et accessoirement de leurs compétences. Le régime de Macky Sall est en effet connu de mettre en avant le dévouement et ensuite la compétence ; c’est ce qui explique en grande partie l’inefficacité de la plupart des politiques publiques.

Crédit ISTOCK une urne au Sénégal

Monsieur Amadou Ba a eu à occuper les postes de Ministre des Finances, de Ministre des Affaires Etrangères et est actuellement le Premier Ministre. Monsieur Diallo a occupé des postes importants comme Ministre de l’Intérieur, Ministre des infrastructures, Ministre des Finances et est actuellement Président du CESE. Ce qui les caractérise le plus, en plus d’être fortement contestés au niveau de leur parti, c’est leur manque de performance politique et le fait de ne pas avoir une base électorale solide.

Amadou Ba n’a jusqu’à présent pas pu remporter une élection locale malgré les moyens mis à sa disposition. Quant à Abdoulaye D Diallo, il a dû faire des compromis avec des opposants politiques au niveau de sa localité. Il s’est fait aussi distingué par son impopularité au niveau du parti au pouvoir et par son autoritarisme surtout au niveau des différents départements ministériels qu’il a eu à gérer du fait de ses appréciations et nominations fondées le plus souvent sur le niveau de dévouement.

Un candidat impopulaire qui pourrait créer la surprise

Dans tous les cas, ces deux potentiels candidats manquent de charisme et d’envergure politique, de popularité et sont tout simplement incapables de mobiliser un électorat national. Il est vrai que le parti au pouvoir dispose d’une forte machine électorale avec des moyens de financement considérables, le plus souvent mal acquis, et la possibilité de pouvoir manipuler le processus électoral.

Cependant, avec le niveau de conscience politique des citoyens et la forte implication des jeunes, le parti au pouvoir n’est pas bien placé pour remporter les élections. Les dernières élections locales et législatives en sont un bon exemple. Le choix de tels candidats ne donnerait aucune chance au parti au pouvoir, à moins que les élections ne fassent l’objet de fraudes massives.

CREDIT IWARIA Des jeunes manifestants au Sénégal

De façon plus générale, même avec d’autres candidats plus populaires, le parti au pouvoir a des chances très faibles pour les prochaines élections. Cela est dû en grande partie au fait qu’il y a eu beaucoup de déceptions sur la gestion du régime de Macky SALL, en ce qui concerne plus particulièrement la transparence dans la gestion des ressources publiques, les droits de l’homme et les libertés démocratiques.

De nombreux scandales ont jalonné le régime de Macky SALL : l’implication de son frère dans la conclusion de contrats pétroliers, les affaires BICTOGO, le contrat d’armement, tout récemment la gestion des fonds COVID, sans compter les nombreuses autres malversations financières impliquant des personnalités du régime, relevées dans des rapports d’organismes intervenant dans la transparence dans la gestion des ressources publiques et qui n’ont donné lieu à aucune suite du fait de l’instrumentalisation de la justice.

Il s’y ajoute l’inefficacité des politiques publiques et le niveau élevé de pauvreté des populations, plus particulièrement chez les jeunes et les femmes. Ce ne sont pas en effet des réalisations démagogiques d’infrastructures mal structurées, fortement surfacturées et le paiement de commissions pour ne pas dire des pratiques de corruption a toutes les étapes de la procédure, qui pourront être déterminantes. Les sénégalais n’ont pas aussi oublié l’engagement non tenu du Président Macky Sall de réduire son premier mandat de sept à cinq ans.

Tous ces facteurs expliquent en grande partie le mécontentement généralisé au niveau des populations et les manifestations violentes intervenues récemment qui ont contraint le Président Macky Sall à renoncer à un troisième mandat.

Au niveau de l’opposition, Ousmane Sonko a entaché sa crédibilité en se compromettant dans des affaires de mœurs. Même s’il avait été totalement relaxé de toutes charges, pour des raisons d’éthique, il devrait renoncer à se présenter.

Les autres candidats comme Karim Wade et Khalifa Sall, en plus de voir leur électorat s’effriter au profit du parti de Sonko, n’ont pas une bonne capacité de mobiliser les citoyens. Ils peuvent cependant avoir des chances. Lors des prochaines élections présidentielles.

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Dans ces conditions, il peut y avoir de fortes chances qu’un candidat impopulaire qui chercherait à tirer profit des dissensions au niveau des coalitions, et qui pourrait se retrouver au second tour face au candidat au pouvoir, puisse bénéficier d’un vote contre le régime.

*Julien B BA
Analyste Politique
Marseille
Julienbba693hotmail.com

Après la renonciation par Macky Sall à se présenter à un troisième mandat, et avec les manœuvres du régime pour écarter certains opposants et les jeux d’alliances le plus souvent pas très démocratiques, un candidat impopulaire pourrait émerger lors des prochaines élections présidentielles.

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