L’élection biaisée de Diomaye FAYE , l’Alternance différée de Macky SALL

Article : L’élection biaisée de Diomaye FAYE , l’Alternance différée de Macky SALL
Crédit:

L’élection biaisée de Diomaye FAYE , l’Alternance différée de Macky SALL

Crédit ISTOCK

L’élection de DIOMAYE FAYE a montré toute la maturité politique et démocratique du peuple sénégalais. Le peuple a ainsi porté son choix sur le candidat qui correspondait le mieux à ses aspirations au changement, notamment en ce qui concerne la consolidation des acquis démocratiques, la lutte contre la corruption et la transparence dans la gestion des ressources publiques. 

Les années Macky SALL ont été très éprouvantes pour les populations, les jeunes en particulier qui n’ont eu aucune perspective viable, ni dans le domaine de l’éducation, ni dans le domaine de l’emploi. C’est face à cette situation que des milliers de jeunes se sont engagés dans les voies périlleuses de l’émigration clandestine, avec les pertes en vies humaines considérables régulièrement constatées notamment dans la méditerranée.

Un recul démocratique et une gestion opaque des ressources publiques

Il y a eu sous le régime de Macky un appauvrissement généralisé des populations et une détérioration considérable des conditions de vie dans les principaux domaines socio-économiques comme la santé, l’éducation, l’accès à l’eau potable, l’emploi, le coût de la vie, la sécurité, la justice. Il y avait ainsi un véritable problème de représentativité et de légitimité d’élus capables de mobiliser les populations dans la conception et la mise en œuvre de politiques publiques viables. 

Les populations ont été particulièrement éprouvées du fait de l’inefficacité des politiques publiques mises en œuvre et surtout de la mauvaise gouvernance et des pratiques généralisées de corruption. La gestion des différents organismes publics a été pratiquement catastrophique; les dirigeants étant beaucoup plus préoccupés à gérer leur clientèle politique. 

Les ressources de ces organismes publics étaient en effet le plus souvent utilisées pour satisfaire une clientèle politique plutôt que les besoins des populations. Il est en effet anecdotique que sous le régime de Macky SALL, aucun gestionnaire d’un organisme public n’ait été inquiété d’une manière ou d’une autre par la justice, malgré les malversations financières et les pratiques de corruption qui sont régulièrement dénoncées. 

Macky SALL lui-même avait indiqué qu’il a mis de nombreux dossiers sous son coude et que tout responsable d’organisme public qui ne parvenait pas à se faire élire et qui perdrait sa base politique, sera tout simplement démis de ses fonctions. Il s’agissait, d’une manière à peine voilée, d’une invite à utiliser les ressources publiques pour faire de la politique, au détriment de la satisfaction des besoins fondamentaux des populations. C’est ce qui explique essentiellement que pratiquement les principaux secteurs socio-économiques sont en crise.

La justice a ainsi été instrumentalisée à des fins politiques pour protéger des responsables du régime et contre des opposants politiques, le plus souvent de façon tout à fait arbitraire. 

Des violations systématiques des droits de l’homme

Durant son mandat, Macky SALL a utilisé tous les moyens répressifs et frauduleux pour se maintenir au pouvoir par des violations systématiques des droits de l’homme et des libertés démocratiques, notamment des fraudes et manipulations du fichier électoral, par l’instrumentalisation de la justice, par des arrestations et emprisonnements arbitraires. Jamais dans l’histoire politique, il n’y a eu autant d’arrestations et d’emprisonnements arbitraires que sous le régime de Macky SALL. La plainte déposée contre Macky SALL et certains dirigeants de son régime au niveau de la CPI  en est un exemple éloquent. Il suffisait de faire un commentaire défavorable sur son régime pour être arrêté et emprisonné. 

Crédit ISTOCK

Les violations des libertés d’opinion et d’expression étaient manifestes et récurrentes. les réseaux sociaux ont été restreints et même, pour certains, bloqués pendant une longue période. Malgré toutes ces atteintes récurrentes et répétées aux droits de l’homme, les populations, notamment les jeunes ont su faire face.

Les populations se sont battues pour défendre les libertés politiques et démocratiques. Macky SALL a été contraint face aux pressions de populations et des jeunes en particulier, malgré les répressions massives et les forces d’ l’ordre considérables qu’il n’a cessées de déployer, de renoncer à un troisième mandat, de faire adopter une loi d’amnistie pour les opposants politiques injustement emprisonnés, et surtout d’organiser des élections libres et transparentes. 

C’est parce que tout simplement il n’avait pas le choix, ayant tenté par tous les moyens de confisquer la démocratie, mais face à la détermination des populations, il n’avait pas le choix. Avec le vote de la loi d’amnistie, il a cherché à limiter les dégâts pour une sortie plus ou moins honorable.  il avait rapidement compris que si le candidat qui est en prison, remportait les élections, la situation allait se compliquer davantage pour lui. C’est pourquoi, il a procédé à des manœuvres politiciennes pour tenter de faire reporter les élections et de faire libérer les détenus politiques. 

Il savait pertinemment que son candidat ne pouvait pas gagner les élections et qu’il était pratiquement impossible de confisquer le vote des sénégalais, notamment parce que les jeunes étaient déterminés à veiller à ce que le processus électoral soit transparent. Macky SALL a été contraint de céder à la pression des populations.

Un reniement de ses engagements

Pour son accession au pouvoir, Macky SALL a été élu au second tour, grâce au soutien de pratiquement toute l’opposition politique. Il était attendu de lui qu’il forme avec l’opposition un large gouvernement d’union nationale, permettant non seulement d’assurer une stabilité socio-politique, mais surtout la prise en charge des principaux défis socio-économiques auxquels les populations faisaient face. 

Il était clair qu’il fallait une large concertation et surtout l’implication dans la gestion du pouvoir des principaux acteurs politiques de l’opposition pour permettre la mise en œuvre de politiques publiques efficaces et mobilisatrices des populations, pour l’amélioration de leurs conditions de vie. 

Crédit ISTOCK

Il y avait d’ailleurs les conclusions de la CNRI, issues de larges concertations de l’opposition politique et qui prenaient en compte, les principales préoccupations des populations, qui pouvaient servir de base à la mise en œuvre de politiques publiques consensuelles et surtout mobilisatrices. Macky SALL qui avait promis de faire appliquer ces conclusions, s’en détourna rapidement, de même que d’autres engagements importants. 

Compte tenu de la gravité de la crise socio-économique et politique dans la plupart des pays africains, il ne peut pas y avoir de solution miracle, quelle que soit par ailleurs, la majorité électorale obtenue. Macky SALL a voulu gouverner seul en concentrant sur lui la totalité des pouvoirs. Les quelques leaders de l’opposition qui étaient dans les gouvernements successifs, n’étaient pratiquement que des “faire valoir”, plutôt préoccupés par les avantages et autres moyens mis à leur disposition pour gérer une clientèle politique, et non pour défendre les intérêts des populations. Les rares leaders politiques qui ont osé faire entendre des voix dissonantes, ont été rapidement écartés.

Le régime de Macky SALL est ainsi caractérisé par une opacité totale dans la gestion des ressources publiques, notamment par du patrimonialisme, du clientélisme politique, des malversations financières et autres pratiques de corruption, ainsi que par des violations systématiques des droits de l’homme et libertés politiques, des arrestations et détentions arbitraires.

La maturité démocratique du peuple sénégalais

Les nouveaux dirigeants ont promis d’en tirer les leçons et de rompre totalement par rapport à ces pratiques. Certes, Diomaye FAYE a été confortablement élu. Il s’agit d’une victoire “BOLT”, une sorte de plébiscite. 

L’une des principales leçons à en tirer, c’est que le peuple sénégalais a su faire un choix clair en faisant détacher nettement l’un des candidats, et en le faisant élire dès le premier tour. Le peuple sénégalais a su ainsi faire preuve d’un esprit de discernement, d’autant plus que DIOMAYE était l’un des candidats qui disposait le moins de moyens, comme le montre sa déclaration de patrimoine qui ne présente que des dettes et compte tenu également du fait que la plupart des autres candidats disposent d’une bonne expérience politique et ont présenté des programmes solides.

 Il est vrai aussi que le peuple a aussi été très sensible à l’injustice dont de nombreux membres de leur ex parti ont fait l’objet durant ces dernières années et qui avait abouti à la dissolution de leur parti, à l’emprisonnement de milliers de leurs militants et de certains des responsables dont DIOMAYE et leur leader Ousmane SONKO. 

Le mérite du peuple sénégalais est d’autant plus grand que leur choix a porté directement sur le candidat qui portait le mieux leurs aspirations au changement. Cela montre ainsi la vitalité démocratique du Sénégal, ainsi que la maturité politique du peuple sénégalais, malgré les perturbations du processus électoral du fait même du Président Macky SALL qui a voulu reporter les élections; ce que le Conseil Constitutionnel n’a pas, du reste, entériné. 

Crédit ISTOCK

Ces manœuvres de Macky SALL qui était en désarroi, sachant pertinemment que son candidat ne pouvait nullement gagner, ont fortement perturbé le bon déroulement du processus électoral de telle sorte que la campagne électorale n’a pu se dérouler que sur dix jours au lieu de trois semaines initialement prévues, et cela pendant le ramadan. 

Le vote a aussi permis de montrer que malgré les financements considérables mobilisés par le parti au pouvoir, le peuple sénégalais ne s’est pas laissé influencer et a fait un choix objectif et lucide en fonction de ses préoccupations du moment et surtout de ses fortes aspirations au changement. Il a ainsi porté son choix sur celui qui correspondait le plus à ses fortes attentes. 

C’est une première au Sénégal, pour un candidat de l’opposition de remporter les élections au premier tour. Les scénarios et autres sondages les plus optimistes prévoyaient un second tour qui permettrait à DIOMAYE FAYE, grâce au soutien des autres candidats de l’opposition, de remporter les élections  face au candidat du régime.

Les fortes attentes des populations ne peuvent plus être différées, notamment en ce qui concerne le respect des libertés démocratiques et la transparence dans la gestion des ressources publiques. La bonne gouvernance nécessite ainsi une large concertation avec les principaux acteurs sociopolitiques, leur implication pour la mise en œuvre de politiques publiques consensuelles et efficaces, par une expertise avérée aussi bien au niveau national qu’international. Il s’agira de promouvoir une culture de reddition des comptes et surtout de performance, de telle sorte que les dirigeants qui n’auront pas atteint des résultats significatifs dans leur secteur d’intervention, devront en tirer toutes les conséquences.

Le nouveau Président doit aussi savoir que c’est lui qui a été élu, quelles que soient par ailleurs les consignes de vote qui ont été données par son mentor. Il devra assumer totalement cette présidence et aura à en répondre, le cas échéant, au peuple sénégalais.

Julien B BA
Analyste Politique
Marseille
Julienbba693hotmail.com

Étiquettes
Partagez

Commentaires