Contraint de quitter le pouvoir, Macky Sall devra répondre de ses actes devant les juridictions nationales et internationales

Article : Contraint de quitter le pouvoir, Macky Sall devra répondre de ses actes devant les juridictions nationales et internationales
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Contraint de quitter le pouvoir, Macky Sall devra répondre de ses actes devant les juridictions nationales et internationales

Malgré les manœuvres pour faire élire le candidat de son parti, ainsi que les tentatives vaines de faire reporter les élections, Macky Sall a été contraint de quitter le pouvoir grâce, essentiellement, à la mobilisation et la pression populaires. Il devra également répondre de ses actes, notamment en ce qui concerne les violations graves des droits de l’homme qui ont entraîné de nombreuses victimes et des emprisonnements sans précédent.

Les élections présidentielles du 24 mars ont aussi montré la maturité démocratique des sénégalais qui ont voté et choisi leur candidat, sans aucune contestation possible et sans la possibilité pour le régime en place de procéder à des fraudes comme il l’a fait dans le passé.

Macky Sall contraint de renoncer à un troisième mandat

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Le Président Macky SALL  a tenté par tous les moyens de se maintenir au pouvoir; cependant il a été contraint de renoncer à un troisième mandat, par la pression populaire, notamment par des manifestations de grande ampleur qui ont d’ailleurs failli renverser son régime et qu’il a violemment réprimées. 

Ce sont ces répressions qui ont entraîné plusieurs morts et des arrestations massives qui lui ont valu une plainte ainsi qu’à d’autres dirigeants de son régime, pour crimes contre l’humanité auprès de la CPI.

La crise sociale et politique était tellement grave et la pression des manifestants sur son régime tellement forte, qu’il était obligé de prendre la parole pour essayer d’apaiser la situation en disant au peuple sénégalais et aux jeunes manifestants, qu’il les a compris et qu’il prendrait des mesures urgentes en leur faveur.

Macky Sall n’avait pas renoncé à son projet de troisième mandat. Il profitera de l’accalmie, suite aux promesses d’apaisement qu’il avait faites, pour renforcer significativement les moyens de répression aussi bien en matériel qu’en ressources humaines. 

Il tenait ainsi à son projet de troisième mandat et à sa volonté de se maintenir au pouvoir par tous les moyens. C’est ainsi qu’il va intensifier la répression, notamment par des arrestations massives et arbitraires, des violences sur de jeunes manifestants entraînant des morts et surtout l’arrestation de leaders politiques comme Sonko et Diomaye. Il ira jusqu’à couper l’accès à certains réseaux sociaux et restreindre l’usage de l’internet.

Il était ainsi déterminé à confisquer le vote des sénégalais y compris par des manipulations du fichier électoral et par des fraudes.

Une forte pression populaire contre Macky Sall et son régime

Malgré tout cet arsenal répressif, les contestations et les manifestations contre  son régime, non seulement, n’ont pas cessé, mais au contraire se sont intensifiées, car les jeunes en particulier étaient prêts à faire face, à se sacrifier au besoin, pour le changement démocratique de régime.

Sachant qu’il était contraint et qu’il n’avait plus le choix, en plus des dénonciations récurrentes de la communauté internationale et surtout qu’il n’était plus à l’abri du renversement de son régime par des manifestations populaires, il était ainsi obligé de se résigner et de déclarer qu’il renonçait à faire un troisième mandat

Pour Macky SALL, la Constitution lui permettait de pouvoir briguer un troisième mandat, car son premier mandat ne devrait pas être pris en compte alors que l’article 27 de cette même Constitution dispose: 

« La durée du mandat du Président de la République est de cinq ans. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ».

Cette renonciation volontaire lui permettait cependant de gagner en crédibilité, notamment au niveau de l’opinion publique internationale, d’autant plus que les manipulations constitutionnelles pour prolonger les mandats présidentiels ainsi que les coups d’Etat étaient pratiquement devenus la norme au niveau de la plupart des pays africains.

Malgré sa renonciation à un troisième mandat, Macky SALL n’avait pas cependant dit son dernier mot car il mit en selle quelqu’un qui lui était entièrement dévoué, espérant que s’il parvenait à le faire élire, il pourrait continuer de le manipuler et même à diriger le pays par procuration.

Il comptait ainsi sur la complicité du Conseil Constitutionnel, de l’instrumentalisation de la justice pour empêcher certains candidats de pouvoir se présenter et sur les services chargés d’organiser les élections, pour procéder à des fraudes massives et faire gagner son candidat.

Le Conseil Constitutionnel prend ses responsabilités

Ses tentatives ont été vaines dans la mesure où, malgré les obstructions et irrégularités faites par les organes de l’Etat en charge d’organiser les élections, les marges de manœuvre du Conseil Constitution étaient cependant réduites et leurs tentatives de manipuler le processus électoral et de bloquer certains candidats pourraient être flagrantes face à la pression et à la détermination des populations et des jeunes en particulier, ainsi que de la presse, des observateurs de la société civile et internationaux.

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Face aux menaces et risques qui pouvaient peser sur eux et sachant qu’ils pourraient répondre de leurs actes devant le peuple sénégalais, les membres du Conseil Constitutionnel ont pris leur responsabilité et ont décidé de faire jouer la transparence et de faire appliquer la loi.

Macky Sall, déçu par le fait que les membres du Conseil constitutionnel ne l’ont pas suivi dans ses velléités de vouloir confisquer la volonté populaire, va procéder à des manœuvres politiciennes pour tenter de reporter les élections, initialement prévues au mois de février jusqu’au mois de décembre. 

Une tentative désespérée de report des élections

Il va chercher, avec l’instrumentalisation de l’Assemblée nationale, et en s’alliant avec le Parti Démocratique Sénégalais (PDS) de l’opposition, en leur promettant de tout faire pour annuler la décision du Conseil Constitutionnel qui invalidait la candidature de leur leader, ainsi qu’en orchestrant des accusations de corruption de juges de cette institution, avec l’objectif de la discréditer et de pouvoir le cas échéant, la dissoudre.

Dans la même lancée, il a organisé un semblant de dialogue national, toujours avec l’idée de reporter les élections, en promettant de libérer les détenus politiques et de permettre aux leaders politiques emprisonnés de pouvoir se présenter aux élections.

Ces différentes manœuvres politiciennes n’étaient destinées qu’à vouloir dissoudre le Conseil constitutionnel pour reprendre le processus électoral et de mettre à la place une institution qui lui est dévouée, et qu’il pourrait instrumentaliser à volonté.

Les populations, les acteurs politiques et de la société civile étaient cependant très vigilants et avaient accentué la pression, malgré les répressions récurrentes de manifestants. Le conseil constitutionnel, qui était incontournable dans le processus électoral et qui avait le dernier mot, allait déclarer irrecevables toutes les propositions de report des élections et d’ouverture d’une nouvelle liste de candidature, en demandant également l’organisation des élections dans les meilleurs délais pour ne pas dépasser le mandat de Macky Sall.

N’ayant plus d’autre moyen viable d’instrumentalisation du Conseil Constitutionnel, et face à la pression populaire et politique qui ne cessait de s’accentuer, Macky Sall commença à envisager une défaite certaine de son candidat et à préparer sa sortie. Il allait ainsi faire passer une loi d’amnistie des détenus politiques, en espérant qu’il pourrait bénéficier d’une indulgence de la part des éventuels nouveaux dirigeants.

Macky Sall a ainsi utilisé tous les moyens à sa disposition pour chercher à se maintenir au pouvoir et confisquer la volonté populaire. Il a été contraint, malgré tous les moyens répressifs qu’il a mis en œuvre, d’organiser des élections transparentes et démocratiques qui ont permis la défaite au premier tour de son candidat et l’élection du candidat de Sonko.

La maturité politique et démocratique du peuple sénégalais

Le choix du peuple sénégalais a été respecté. Le peuple a ainsi montré toute sa maturité démocratique. Il a su faire preuve de discernement en détachant clairement un candidat par rapport aux candidats et en lui donnant la majorité au premier tour. C’est la principale leçon de ce scrutin. 

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Les partis politiques de l’opposition et les électeurs se sont mobilisés durant toutes les phases du processus électoral. Les candidats avaient la possibilité de se faire représenter à tous les niveaux (commission nationale, commune, lieu de vote, bureau de vote), pour dissuader toutes les tentatives de fraude. Il s’y ajoute le rôle très important de la société civile et des observateurs internationaux, ainsi que de la presse qui est parvenue tant bien que mal à faire un maillage des principaux lieux de vote.

Malgré toute cette mobilisation contre le régime en place, Il était cependant très difficile d’imaginer que le candidat de Sonko puisse remporter les élections dès le premier tour, compte tenu de plusieurs éléments dont: les moyens considérables déployés par le candidat du régime, comparé à ceux relativement faibles de Diomaye faye, le niveau élevé de la qualité de la plupart des candidats, en raison notamment de leur expérience politique, de leur programme.

Les scénarios les plus optimistes prévoyaient que le candidat du régime soit devant au premier tour, suivi de Diomaye Faye, et qu’au deuxième tour, par le jeu des reports de voix que le candidat de l’opposition remporte les élections.

Certains analystes politiques avaient même prévu un scrutin très serré de telle sorte que le candidat du régime pourrait ne pas être présent au second tour. 

C’est là tout le mérite du peuple sénégalais qui a su faire un choix lucide et clair en donnant une majorité dès le premier au candidat Diomaye Faye. Le peuple a voulu montrer sa volonté de changement , notamment sur les questions de bonne gouvernance et de droits de l’homme. 

Il s’agit pour cette élection de permettre aux leaders de l’opposition, et plus particulièrement de la coalition de Sonko, de se réunir autour d’un programme commun et surtout d’assurer une gestion concertée pour faire face aux défis majeurs auxquels notre pays est confronté.

La nécessité d’une gestion concertée du pouvoir

Il ne faut pas se tromper, il ne peut y avoir de solution miracle ou d’homme providentiel. Les populations en ont assez de souffrir depuis les indépendances, ainsi que des engagements, promesses et discours sans lendemain. Ce qu’elles attendent des nouveaux dirigeants, c’est tout simplement une gestion concertée regroupant les principaux leaders de l’opposition et faisant appel à l’expertise locale et de la diaspora, pour prendre en charge les préoccupations et urgences socio-économiques, particulièrement celles de la jeunesse. 

Les jeunes ont été au premier plan de cette victoire électorale. Des mesures et actions fortes doivent être menées à leur endroit. Les nouvelles autorités doivent résolument s’engager dans cette voie et éviter les discours populistes sur la souveraineté, le Franc CFA et sur les valeurs africaines, et se concentrer dès à présent sur les préoccupations majeures des jeunes et des populations en général. 

Il est quand même assez décevant que dans la composition du nouveau gouvernement, il n’y ait pas une grande cohérence entre les priorités dégagées et les ministères mis en place. Il est tout de même curieux qu’il n’y ait pas un ministère dédié entièrement à la jeunesse, ou un ministère de la bonne gouvernance. Le secteur informel constitue également un secteur incontournable dans notre pays.

Julien B BA
Analyste Politique
Marseille
Julienbba693hotmail.com

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