Kounkané, le mérite de la grève de faim et de la manipulation des jeunes

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Kounkané, le mérite de la grève de faim et de la manipulation des jeunes



Les populations sénégalaises se sont rendues compte rapidement que les nouvelles autorités n’avaient pas un programme prêt à être mis en œuvre et par conséquent n’étaient pas préparées à exercer le pouvoir.

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Dans les grandes démocraties ou du moins celles qui se respectent, les oppositions politiques qui aspirent à l’alternance sont généralement bien préparées et ont déjà un programme politique fin prêt qu’elles sont en mesure de commencer à appliquer dès le premier jour de leur accès au pouvoir. 

Elles mettent également en œuvre, dès le départ, des mesures symboliques de rupture, dans des secteurs socio politiques stratégiques, montrant leur volonté de changement systémique ; il s’agit notamment des domaines tels que la bonne gouvernance, notamment la transparence et l’efficacité dans la gestion des ressources publiques et le respect des droits de l’homme et des libertés démocratiques, la justice, la sécurité, la jeunesse, l’éducation.

Les premières déceptions des populations

Depuis que les nouvelles autorités ont accédé au pouvoir, elles donnent l’impression de se chercher, tant par leurs tâtonnements, leur manque d’expérience et surtout l’absence d’un programme de gouvernement clair. Elles ont fait savoir qu’elles sont en train de finaliser leur programme attendu pour le mois prochain. Il s’agit ainsi d’une démarche cavalière et vraiment très laborieuse pour des opposants en qui les jeunes avaient placé de fortes attentes. 

Ces opposants avaient fait miroiter aux jeunes et aux populations en général, mont et merveilles, en leur promettant des changements rapides qui allaient influer sur leur niveau de vie ; il s’est avéré qu’il s’agissait tout simplement de promesses fantaisistes, démagogiques, populistes.

Pire, les nouvelles autorités ont continué les pratiques qu’elles ont fortement dénoncées des anciens régimes et qui même, dans certains cas, elles ont amplifiées, au mépris des intérêts des populations. Il s’agit entre autres des voyages présidentiels successifs, des nominations partisanes et népotistes. La rupture tant promue est loin de voir le jour. Les reniements également ont été dans certains cas flagrants, en ce qui concerne notamment  les appels à candidature et les fonds politiques.

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S’il est tout à fait possible de comprendre l’impréparation et le manque d’expérience des nouvelles autorités, ce qui est par contre le plus difficile à comprendre, c’est leur précipitation à se partager les postes stratégiques, tout en sachant pertinemment qu’elles ne seraient nullement à la hauteur pour les exercer, n’ayant jamais eu à occuper de postes de responsabilités dans le passé.

Leur mérite résidait surtout dans leur capacité à dénoncer avec courage certes, les dérives autocratiques du régime passé et la mauvaise gestion des ressources publiques. Elles ont pu aussi mobiliser les populations et les jeunes en particulier, dans la défense des libertés démocratiques et d’un processus électoral plus transparent et pour une meilleure bonne gouvernance. Bien que leurs promesses étaient le plus souvent fantaisistes, démesurées, populistes, la priorité était cependant de mettre en œuvre des stratégies pour le changement de régime. Tout le monde reconnaît leur courage politique, malgré toutes les pressions socio-politiques, menaces, intimidations, arrestations arbitraires dont elles ont fait l’objet et, malgré aussi les nombreuses victimes dues aux répressions de la part du régime.

Des opposants déterminés et courageux

Il est incontestable qu’elles ont joué un rôle déterminant dans la conscientisation politique des jeunes et dans le changement de régime. Il est aussi incontestable que leur parti et leur coalition ont été les acteurs les plus influents au niveau de l’opposition, qui incarnaient la volonté de changement. Il convient à ce propos de faire remarquer que, jamais auparavant dans l’histoire politique du Sénégal, un régime n’a utilisé autant de moyens violents et de répression contre l’opposition politique et contre les activistes et autres acteurs de la société civile pour s’accrocher au pouvoir. 

C’est ce qui leur a valu d’ailleurs une plainte au niveau de la CPI. Cela montre ainsi le mérite et la détermination des nouvelles autorités quand elles étaient dans l’opposition et qui ont ainsi, avec les jeunes en particulier, contraint Macky SALL à quitter le pouvoir. En effet, dans un premier temps, Macky SALL avait cherché à vouloir faire un troisième mandat mais face à l’ampleur des manifestations populaires et aux menaces d’envahir le palais, il a fait marche arrière et a renoncé à se représenter, non sans mettre en œuvre des manœuvres politiques pour se faire succéder par quelqu’un acquis à sa cause et qu’il pourrait manipuler à sa guise.. 

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Cependant la pression populaire ne faiblissait pas et des institutions comme le Conseil Constitutionnel et la CENA ont pris leurs responsabilités pour assurer des élections transparentes. Malgré cela, Macky SALL tentera encore d’organiser des pseudo concertations politiques, n’ayant d’autre but que de chercher à faire reporter les élections et à lui procurer une immunité après son départ. 

Des négociations souterraines

Ses intentions sont aussi restées vaines et sachant qu’il n’avait plus d’autre alternative, il négocia sa sortie avec les leaders de ‘l’opposition, en l’occurrence du PASTEF, avec le vote d’une loi d’amnistie et d’autres accords secrets que les nouvelles autorités, sous peine de trahison, devront divulguer. 

Il n’est pas en effet compréhensible ni concevable qu’après toutes les répressions et les victimes qu’il y a eu durant le régime de Macky, que tout cela fasse l’objet d’une amnistie avec la bénédiction des nouvelles autorités quand elles étaient dans l’opposition. Il ne s’agit pas non seulement d’une trahison à la mémoire des victimes et de leur combat pour l’alternance; il s’agit aussi d’une trahison de tous ceux qui ont fait l’objet d’oppressions à quelque niveau que ce soit et qui se sont battus pour l’alternance.

Dans tous les cas, les nouvelles autorités qui ont en partie reconnu les négociations souterraines qu’il y a eu avec le régime précédent, à quelques jours des élections, gagneraient à donner des informations exhaustives sur la nature et le contenu dudit protocole. 

Si le peuple leur a fait confiance, ce même peuple n’en mérite pas moins, d’autant plus que toutes sortes de rumeurs sont véhiculées sur ce protocole, notamment l’affaire concernant les accusations de Adji SARR ou encore l’implication d’éléments étrangers comme Juan BRANCO qui détiendrait des informations sensibles et compromettantes sur des personnalités de l’ancien régime. Pour ne pas compromettre leur mandat et la confiance placée en elles par le peuple sénégalais, les nouvelles autorités devraient faire la lumière sur ce protocole.

Dès que les nouvelles autorités ont accédé au pouvoir, les déceptions ont commencé à être grandes sur les premières mesures qu’elles ont eu à prendre et surtout par rapport au changement systémique qu’elles avaient promis d’opérer. S’il est vrai qu’il est difficile de leur reprocher leur manque d’expérience, voire leur incompétence, elles doivent cependant avoir une lecture et une interprétation pertinentes de leur élection. 

Elles ont été élues pour leur détermination et leur courage à dénoncer les pratiques autoritaires et de corruption du régime et aussi parce qu’ elles incarnaient le plus au niveau de l’opposition la volonté de changement. C’est pourquoi les populations ont voté majoritairement pour elles dés le premier tour. Elles doivent cependant comprendre que c’est une élection pour toute l’opposition, du moins pour toutes les coalitions significatives de l’opposition.

Nécessité de gestion concertée du pouvoir

Elles devraient ainsi comprendre que les populations ont voté pour l’implication de toutes les composantes significatives l’opposition dans la mise en œuvre de politiques publiques permettant de rompre avec les pratiques du passé, et d’améliorer le niveau de vie des populations.

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 Il n’est pas attendu de ces nouvelles autorités des solutions miracles. Nelson MANDELA l’avait bien compris. Il n’a pas cherché à s’accrocher au pouvoir ou à se prendre pour un messie; il a volontairement quitté le pouvoir après un mandat. OBAMA a également dit que l’Afrique n’a pas besoin de personnalités fortes mais plutôt des institutions solides.

 Les nouvelles autorités doivent faire appel à des compétences de quelque bord qu’elles soient et elles sont nombreuses dans les coalitions de l’opposition. Le poste de PM devrait être confié à quelqu’un d’expérimenté qui a une bonne expérience de l’Etat. Les nouvelles autorités devraient aussi éviter de gouverner par le populisme, la stigmatisation ou l’intimidation. De telles pratiques conduisent inévitablement à une dictature. Le cas de la Tunisie est très instructif.

Elles ne doivent pas chercher à cibler des secteurs particuliers de la vie économique et sociale ou de soulever de façon inopportune des sujets qui peuvent être clivants comme le port du voile ou encore de faire des déclarations à l’emporte pièces comme “Nous avons trouvé un pays en ruine”, alors que les différentes institutions de l’Etat fonctionnent normalement. 

Elles doivent comprendre qu’elles ne sont plus dans l’opposition; elles disposent de tous les moyens de l’Etat. Ce qui est attendu d’elles, c’est de présenter un programme clair sur les politiques publiques qu’elles entendent mettre en œuvre dans le sens de l’amélioration du niveau de vie des populations, plutôt que de chercher à mettre en avant des slogans et de chercher à gouverner par la stigmatisation et le populisme. Le peuple a été clairvoyant dans son vote et saura apprécier le moment venu.

Julien B BA
Analyste Politique
Marseille
Julienbba693hotmail.com

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